mardi 6 janvier 2015

De l'esthétique du Renault Espace

La sortie prochaine de la cinquième génération du Renault Espace me donne l’occasion de rendre un petit hommage à un modèle qui m’est cher. 

L’idée de l’Espace est née en 1979 de la volonté de Philippe Guédon, Président de Matra Automobiles, de créer une voiture modulaire pour transporter confortablement une famille et ses bagages, inspirée du van américain. Le projet, initialement dessiné pour PSA, fut finalement adopté par Renault en 1983 : 

Renault Espace I
Renault Espace I - Phase I (1984-1988)

S’inspirant de l’habitacle du TGV – volume intérieur unique, plancher plat, sièges indépendants  Renault et Matra, avec ce modèle aux dimensions inédites, donnaient alors naissance au concept du monospace. Par son confort, sa surface vitrée et sa modularité – possibilité de transformer l’habitacle en salon ou en chambre – Renault avait créé, selon ses termes, la « voiture à vivre », et proposait ainsi ce qui allait devenir la nouvelle référence du véhicule haut de gamme français : 

Renault Espace - Aménagement intérieur

Concernant le design extérieur, difficile de ne pas voir, une nouvelle fois, l’influence qu’exerça le célèbre train :

Renault Espace et TGV

Devant le succès commercial et le développement de monospaces par la concurrence, Renault et Matra lancèrent l’Espace II en 1991 :

Renault Espace II
Renault Espace II (1991-1997)

Celui qu’on surnommait déjà affectueusement « la cathomobile » prit les airs de son conducteur : le bon père de famille. Après des années 80 anguleuses, l’Espace II adoptait, conformément aux nouveaux standards du marché, des formes plus rondes aux angles adoucis. Il y perdit son côté pataud au profit de plus de légèreté. Grâce à une bouche et des phares affinés, l’Espace affichait aussi un visage plus neutre et raffiné.

La troisième génération, présentée fin 1996, accentua ces évolutions : 

Renault Espace III
Renault Espace III (1996-2002)

Fronçant les sourcils et plissant davantage les yeux, le visage de l’Espace gagna en sévérité. Voyait-il d’une mauvais œil le récent succès des modèles développés par la concurrence - notamment les célèbres Peugeot 806 et Citroën Evasion ? Quoi qu’en soit la raison, il n’a pas l’air commode. Et n’a pas de temps à perdre : le bas de caisse rabaissé et les plastiques latéraux affinés confèrent davantage de dynamisme à l’ensemble. 

Changement de millénaire, changement de style ; la quatrième génération de l’Espace, présentée en 2002, s’inscrivait dans la récente mutation du style Renault, aux formes plus aiguisées, qui, quelques années plus tard, deviendraient la norme sur le marché. D’où l’étonnante modernité du modèle, dont on peine à croire aujourd’hui qu’il fut dessiné il y a quatorze ans : 

Renault Espace IV
Renault Espace IV - Phase 1 (2002-2006)

J’ai parlé jusqu’à maintenant de design ; mais l’esthétique de l’Espace ne réside pas tant dans ses courbes que dans les images qu’il évoque : la famille nombreuse, qu’elle chante ou se chamaille, le voyage sur les routes de France... A propos de voyage, combien d’heures ai-je passées « à l’arrière » à regarder le paysage ? Heures, qui en en plus d'être nombreuses, étaient longues... Je me souviens pourtant avec plaisir de certains moments ; le lever du soleil sur la campagne, lorsque nous partions tôt pour éviter les embouteillages ; la traversée de cette jolie région vallonnée, ou encore la vue de ce panneau, de cette usine, de cette maison là-bas, qui nous rappelle qu’on est bien sur le chemin des vacances. J’aimais particulièrement les voyages de nuit, ceux-là mêmes qui adoucissent les voix et révèlent le tintement des clignotants. Dans le confort de cette grande capsule, caché sous ma couverture, je prenais alors un discret plaisir à regarder le défilé des bandes blanches sur la route, entre ces deux gouttes de pluie qui se faisaient la course sur la vitre froide. 

Dans la famille, l’Espace est presque un membre supplémentaire, à la fois père protecteur, mère chaleureuse, et ami fidèle. Au fil des années, il a vu grandir ses occupants qui, comme moi, passèrent un jour de l’arrière à l’avant, de la vitre au volant. 

Depuis, c’est pour d’autres raisons que j’aime l’Espace : l’aisance de conduite, l’excellente visibilité, le sentiment de sécurité... Des raisons plus pratiques, certes, mais qui contribuent elles aussi à cette « esthétique de l’Espace » qui fait du trajet le début des vacances. 

Mais trente ans après sa création, le concept du monospace se meurt. Devant la polarisation de la demande se déplaçant vers, d’un côté, les monospaces compacts (moins gourmands, offrant volumes corrects et équipements de qualité pour un prix inférieur) et, de l’autre, les imposants SUV (jouissant, qu’on le veuille ou non, d’une image plus moderne et haut de gamme), Renault a longtemps hésité avant de poursuivre l’odyssée de l’Espace. Maintes fois repoussée, la cinquième génération verra finalement le jour cette année : 

Renault Espace V
Renault Espace V (2015 - ...) 

La marque au losange l’avoue elle-même, L’Espace n’est plus un monospace. Le vaste volume intérieur, le plancher plat, ou encore les immenses vitres latérales appartiennent désormais au passé. Faut-il le regretter ? « S’adapter ou mourir », il fallait choisir... On peut en tout cas se réjouir que Renault, à la différence d’autres constructeurs, ait choisi de poursuivre dans le haut de gamme. Ses équipements, ses performances – et son prix – en témoignent. Reconnaissons également que le design extérieur est assez réussi, adoptant la silhouette musclée des crossovers sans toutefois renier sa filiation. Ni son esprit ? L'avenir nous le dira...

2 commentaires:

  1. Cher monsieur,

    Tout d'abord je vous remercie de vos efforts réguliers pour nous faire partager votre passion. Je m'y connais moi-même très peu en voiture et, comme tous les néophytes en ce domaine, j'ai une fâcheuse tendance à préférer aveuglément les vieux modèles, tout en devinant que je passe ainsi à côté de l'essentiel.

    De ce point de vue, votre blog a pris un très bon départ. Le premier article est particulièrement réussi, qui explique ce qui, dans la Porsche Targa, est caractéristique de son identité. Il nous munit ainsi d'une clef d'appréciation des différentes éditions d'un modèle : la fidélité à soi-même. J'ai retrouvé avec plaisir ce fil conducteur dans ce dernier billet.

    J'ai découvert votre blog par celui du Chouan des villes, au contact duquel j'avais commencé d’éduquer mon regard en l’initiant à l’esthétique vestimentaire. Vous gagnerez sans doute à vous en inspirer, non pour le jugement esthétique mais pour la méthode : continuez de nous faire partager vos impressions sur différents modèles et de chercher l'identité propre de chacun. Vous rendrez ainsi grâce à la richesse esthétique du monde.

    Je m’arrête là car je crois que mon commentaire devient trop pompeux.

    En attendant vos prochains billets, je vous remercie encore chaleureusement pour votre site.

    Quentin N.

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    1. Cher Quentin,

      Ravi de voir que des lecteurs du Chouan me lisent également !

      Merci beaucoup pour vos conseils et encouragements. J'espère que ce commentaire en appellera d'autres !

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