Il est de bon ton de critiquer ce
qu’est devenue la Formule 1. La discipline a en effet souffert ces
dernières années d’un cruel manque de concurrence dans la course
au titre. Chose inhérente au sport mais accentuée par le niveau de
plus en plus élevé de l’ensemble des pilotes, ce sont
essentiellement les écuries - dont les performances sont presque
devenues fonction des investissements financiers - qui déterminent
un classement général de plus en plus prévisible. Pour endiguer le
phénomène, la FIA complique chaque année un peu plus son
règlement, rendant ainsi bien artificiel le peu de spectacle qui
anime des circuits affadis par les normes de sécurité.
L’omniprésence des sponsors et le son d’aspirateur-sans-sac du
nouveau moteur V6 ont fini d’achever l’esthétique du sport.
Il est néanmoins un Grand Prix qui
résiste - un peu - mieux que les autres à cette triste évolution :
Le Grand Prix de Monaco.
Grand Prix de Monaco 2012 |
L’épreuve, née en 1929, figure au
calendrier du championnat du monde de Formule 1 depuis 1950. Sa
particularité - faut-il le rappeler ? - est d’emprunter
exclusivement, le temps d’un week-end, les rues étroites et
sinueuses de la Principauté. De par ce cadre unique et sa riche
histoire, l’épreuve est ainsi communément considérée comme
l’une des trois plus prestigieuses courses automobiles au monde.
Comme, je pense, une majorité de mes
lecteurs, je n’ai jamais vu le Grand Prix de Monaco que depuis ma
télévision. Il fait pourtant partie pour moi de ces événements
sportifs perpétuels et intemporels qui chaque année signent le
retour des beaux jours et la fin de l’année scolaire, comme Roland
Garros ou, plus tard, le Tour de France. « Tiens, ce week-end,
c’est le Grand Prix de Monaco » peut-on entendre jusque dans
la bouche de quelqu’un peu gourmand de sport. Je me souviens de ces
dimanches ensoleillés où, après le déjeuner familial, le cri
strident des voitures, dans la pièce voisine, se mêlait aux odeurs
du café et des biscuits.
En cherchant une vidéo pour illustrer
l’atmosphère de cette course, je suis tombé sur une publicité de
la banque UBS sur l’articulation du risque et du succès. Celle-ci
met en scène l’ancien pilote David Coulthard qui, au volant de sa
ravissante Mercedes 280 SL, retrace le circuit sur lequel il s’est
imposé à deux reprises :
Cette petite séquence me dispense de
rédiger le paragraphe auquel j’avais pensé sur l’esprit du
lieu. La - très belle - réalisation est à ce titre astucieuse ;
en parcourant lentement le circuit, toujours ouvert à la
circulation, comme assis sur le siège passager, on touche, au plus
près, à l’extraordinaire dualité du site que le pilote évoque
en début de vidéo. Son propos, qui s’inscrit pourtant dans le
cadre publicitaire, touche d’ailleurs par sa sincérité : son
respect pour le lieu et la joie qu’ont pu lui procurer ses deux
victoires sont palpables. On devine une complicité entre ces rues et
le pilote que nous, depuis notre fauteuil de spectateur, ne pouvons
qu’entrevoir.
Cette promenade nous rappelle enfin et
surtout que derrière les sponsors criards et les yachts de
milliardaires étrangers, il reste quelque chose d’intemporel.
Grand Prix de Monaco 1968 |
Dimanche prochain, c’est le Grand
Prix de Monaco. Le regarderai-je ? Je ne pense pas, pour les
raisons invoquées en introduction. Ou alors quelques minutes.
Simplement pour me rappeler avec satisfaction que même si les années
passent, certaines choses demeurent.