Pour diverses raisons, je ne suis pas le plus grand admirateur
de l’Automobile allemande. Je suis d’ailleurs agacé lorsque j’entends l’argument
d’autorité « C’est une Allemande », qui à lui seul justifierait une
fiabilité inégalée et inégalable.
Claudia Schiffer vous le dira : l’affirmation fait mouche. Pour autant, je dois
bien reconnaître que mon jugement a des teintes
bleu-blanc-rouge, et que derrière la phrase idiote, se cache une
idée qui l’est bien moins.
Émissions et magazines spécialisés démontreront mieux que
moi la fiabilité de l’Automobile germanique. Mais puisque je traite ici
d’esthétique, se pose la question : le « C’est une Allemande » est-il
également gage de beauté ?
Le sujet est vaste et ne saurait se réduire à un unique
billet ; ce sont les automobiles allemandes qui font l’Automobile
allemande, et non l’inverse. Pour aujourd’hui donc, je m’en tiendrai à un
modèle : La Porsche Targa.
L’appellation « Targa » - référence à la Targa
Florio, course automobile sicilienne - désigne une déclinaison de la Porsche 911,
caractérisée à sa sortie - en 1966 - par un toit partiellement découvrable, supporté
par un arceau de sécurité fixe et, à partir de 1968, une originale « bulle » de
verre englobant la partie arrière de l’habitacle.
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Édition 901 (1966-1973) |
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Édition 930 (1978-1983) |
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Édition 964 (1989-1993) |
J’aime beaucoup la Targa. Il y a, je crois, à l’origine de
toute passion, une expérience esthétique, une rencontre, inscrite dans le temps
et l’espace. Je me souviens d’un soir d’hiver, où rentrant chez moi sous un
grand parapluie, j’avais rencontré une
ancienne Targa bleu nuit, arrêtée le long de la rue ruisselante, phares jaunes et moteur allumés. Déjà sous le charme,
je m’étais imaginé dans le baquet en cuir, protégé des gouttes
s’abattant lourdement sur le toit amovible, bercé par le ronronnement chaud du Flat-6 et le léger va-et-vient des
essuie-glaces. « Un jour, je l’aurai ».
Vouloir un modèle découvrable pour rouler sous la pluie a
quelque chose d’étrange, me direz-vous. Surtout avec les problèmes d’étanchéité
qu’on lui connaît. Mais aurais-je eu le même coup de cœur devant n’importe
quelle - si j’ose dire - 911 ? Nombreux
sont d’ailleurs les « Porschistes » qui reprochent à la
Targa une ligne disgracieuse, moins féline que la carrosserie d’une Carrera. Ce
n’est pas tout à fait faux. Pourtant, la Targa a quelque chose de sympathique,
avec ce toit qu’on enlève à la main. Quelque chose de provocateur, avec cet
arceau venant casser sa ligne. Quelque chose de fantaisiste, avec sa bulle de
verre. La Targa dit quelque chose des vacances. Une fois découverte, elle sent
le printemps et les routes du Perche qui mènent au Mans.
J’apprécie donc beaucoup moins les éditions 993, 996 et 997.
Adoptant le toit en verre rétractable, jugé plus harmonieux et ayant l’avantage
de s’ouvrir à grande vitesse, la Targa perdit ses attributs originels, et avec,
tout son caractère…
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Édition 993 (1995-1998) |
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Édition 996 (2001-2005) |
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Édition 997 (2006-2012) |
Félines, ces trois versions le sont davantage que leurs
aînées, c’est vrai. Mais le félin est bien sage, je trouve, presque grave.
Remarquez d’ailleurs l’évolution du « visage » de la Targa : à
chaque édition s’efface un peu plus le sourire de son enfance.
Pardonnons les designers de Stuttgart, qui, conscients de
leur péché, ont consacré cette année le retour de l’Arceau Prodigue sur la
version 991, permis par un ingénieux système de rétractation du toit. Il faut
bien le reconnaître, l’exercice « rétro » qu’ils se sont imposés est
parfaitement réussi. Près de cinquante ans après, la Targa a
certes « pris du poids », mais l’esprit est bien là.
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Édition 991 (2014-...) |
Concluons en image, avec cette photo réunissant les sept générations de la famille Targa.
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Photo de famille |
Comme quoi, les extrêmes ont parfois du bon. À jeudi !
Crédits photos : PORSCHE